musée de l’accident – A Roof for Silence
Venise – Italie – 19 et 20 novembre 2021
Photos © Viana Conti, Ethel Buisson, Virginie Segonne, Sophie Virilio
…il plane sur le monde une énorme menace qui n’est pas le fait de nos erreurs mais de nos prouesses. En exposant l’accident, on peut faire émerger une intelligence nouvelle qui la réduira..
Paul Virilio
En partenariat avec le pavillon libanais, le Musée de l’Accident Paul Virilio s’invite les vendredi 19 et samedi 20 novembre 2021 à la 17e Biennale d’Architecture de Venise pour proposer sa réponse à la question posée par le commissaire général Hashim Sarkis : How will we live together ?
En réponse à cette question, les dromologues réunis à Venise redonnent sa place à l’accident, prolongeant ainsi la pensée du philosophe Paul Virilio.
Les 19 et 20 novembre, le Musée de l’Accident propose deux banquets de 33 convives dans l’entrepôt de la Reale Società Canottieri Bucintoro à Venise ; un lieu à la consonance maritime en écho avec l’immersion de la première pierre du Musée de l’Accident le 1er avril 2021 au large de La Rochelle. Ces deux repas manifestes deviennent les lieux du débat. Dressés par l’anthropologue-cuisinier Yassir Yebba, ces repas seront avant tout des protocoles expérimentaux et gustatifs pour faire naître des échanges autour de la notion même d’accident.
QU’EST-CE QUE LE MUSÉE DE L’ACCIDENT ?
Le Musée de l’Accident a une forme et une couleur. Il est rond et bleu depuis 4,5 milliards d’années. Le Musée de l’Accident c’est la planète. La fonction du musée en général est de montrer des œuvres choisies pour leur signification, leur valeur symbolique, leur unicité, la beauté n’étant pas nécessairement le premier critère. L’accident s’inscrit dans ce registre. Chaque accident est un cas d’espèce qui fait de lui une œuvre unique, une nourrissante rareté.
Montrer l’accident c’est donner matière à penser. Depuis 4,5 milliards d’années la planète Terre n’a cessé de le faire, prodigieux laboratoire où, par accident, se sont accomplis les pires tragédies et les plus grands chefs-d’œuvre. Ainsi du feu il y a quatre cent mille ans, accident domestiqué qui, du cru au cuit, a changé le cours de l’humanité, les protéines dopant les neurones. De la première étincelle, était-ce la foudre tombant du ciel, sont nés l’anthropologie, la sociologie, la biologie jusqu’à l’épigénétique, l’intrication entre le milieu et le vivant. L’accident porte le mouvement dialectique du questionnement et de l’interprétation et, de ce fait, il est un accélérateur de conscience. Paul Virilio y voit un fait « révélationnaire » pour reprendre son néologisme, fruit du temps passé sur la paillasse du laboratoire. La révélation tient à l’effet miroir de l’accident et, parfois, à son effet de loupe lorsque ses conséquences sont planétaires. Ce fut le cas de la pandémie de la Covid, chaque contamination produisant une pathologie singulière et souvent improbable. Simultanément, en une troublante symétrie, l’autre viralité planétaire a pris la forme numérique attaquant les systèmes, hospitaliers, bancaires ou militaires. Elle a touché le cœur de chaque cible. Les deux formes virales ont été mondialement paralysantes.
Ce choc a révélé le visage inattendu des interdépendances dont nous sommes les créateurs. Mais, il a aussi amplifié la fonction muséale. Elle nous propose de regarder l’accident en tant qu’œuvre unique, de la considérer pour ce qu’elle est, de lui donner du sens, l’un des moyens du deuil, c’est-à-dire une façon de continuer. Couler des milliers de tonnes de béton sur le cœur de centrale à Tchernobyl n’a pas plus suffi à éteindre l’accident qu’à étouffer sa réception et ses effets sur les affects mondialisés. Tapie, la prochaine fusion attend son heure. Elle viendra parce que les enseignements n’ont pas été tirés du risque nucléaire.
Le Musée de l’Accident est la succursale de la matrice ronde et bleue, la planète Terre. Sa fonction, aussi dynamique que l’accident peut l’être, est de donner à voir sans filtre ni arrangement et, nous interrogeant, de nous renvoyer à nous-mêmes. Car si tout poison dans la nature a son antidote, souvent très proche, tout accident propose une remise en cause et ouvre à d’autres voies. Le meilleur de tous les progrès est celui profitant à la conscience, hors des tyrannies consuméristes.
Qu’on se le dise, le musée dynamique de l’accident nous est ouvert. Ce « nous » est celui de la Noosphère, l’ensemble des consciences humaines mêlant cultures et diversités. C’est un phénomène en expansion tout comme l’est l’univers. Stéphane Paoli
PROGRAMME
Vendredi 19 Novembre
18h Visite de l’installation A roof for Silence
Lieu : Magazzino del Sale Fondamenta Zattere Ai Saloni, 263, 30123 Venise, Italie
Travaux exposés :
Antiformes, Paul Virilio, oil on canvas, 1961
Hommage à la Déesse Olivéa, Etel Adnan, oil on canvas, 2019
The Olive Trees of Bchaaleh, Fouad Elkoury, photographs, 2020
Les oliviers, piliers du temps, Alain Fleischer, film 8’, 2020
Metamorphoses, Hala Wardé, 2021
Falling into time, Soundwalk collective, musical composition, 2020
A Roof for Silence, Hala Wardé, Architectural piece, steel structure, textured glass, fabric, 2020
« En faisant dialoguer plusieurs époques et disciplines, l’œuvre est conçue à partir d’un poème-en-peinture d’Etel Adnan et des Antiformes de Paul Virilio, mis en regard avec un ensemble de seize arbres millénaires du Liban, photographiés à la lumière du jour par Fouad Elkoury, puis plongés dans la nuit par Alain Fleischer, pour qu’ils soient filmés dans leur sommeil, avec l’accompagnement musical de Soundwalk Collective. » déclare l’architecte franco-libanaise à l’origine de cette installation accidentelle.
Pour la première fois sont exposées les tableaux Antiformes de Paul Virilio, base de tout son travail autour du vide, mises en parallèle avec les séquences images de Forensic Architecture sur l’explosion du 4 Août 2020 au centre de Beyrouth.
19h00 Dîner « Venezia Verde »
Lieu : Reale Società Canottieri Bucintoro,
Dorsoduro 263, Venise, Italie
Nos axes de travail lors de ce premier dîner manifeste portent sur la nature même du Musée de l’Accident. Ce dîner est également l’occasion d’aborder plusieurs thèmes chers à Paul Virilio : ailleurs commence ici, l’écologie grise, l’accident des dimensions…
Samedi 20 Novembre
10h Expérience d’images mentales guidée par l’architecte Ethel Buisson
13h Déjeuner « Un monde qui sur-vient »
Lieu : Reale Società Canottieri Bucintoro, Dorsoduro 263, Venise
Autour d’un repas déconstruit, les débats auront pour thèmes la définition même de l’accident et la recherche de cette « intelligence nouvelle » dont parlait Paul Virilio, nécessaire à l’analyse de sa substance. Le but étant de cerner sa nature paradoxale et donc celle du musée.
20h Hommage de Hala Wardé et de Mika à la peintre et poétesse Etel Adnan, dans le pavillon libanais.
Lieu : Magazzino del Sale Fondamenta Zattere Ai Saloni, 263, 30123 Venise, Italie
