nUIT DE L’INCERTITUDE PAUL VIRILIO
Fondation Cartier pour l’art contemporain – Paris – France – 30 octobre 2023
Photos © ©FONDATION CARTIER POUR L’ART CONTEMPORAIN
La fin du monde est un concept sans avenir
Paul Virilio
La publication d’une anthologie regroupant 22 essais et des inédits de l’urbaniste et philosophe Paul Virilio aux Éditions du
Seuil est une nouvelle occasion pour la Fondation Cartier de célébrer ce grand penseur et ami avec qui elle a si intensément collaboré.
Conçue avec Sophie Virilio et Stéphane Paoli, cette Nuit de l’Incertitude Paul Virilio rassemble artistes, scientifiques et penseurs pour témoigner de sa pensée du qui-vive et faire entendre ses mots qui nous permettent, encore aujourd’hui, de décrypter « ce qui arrive ».
Depuis leur première collaboration en 1988, Paul Virilio et la Fondation Cartier ont entretenu une conversation ininterrompue, se retrouvant au fil d’expositions que Paul Virilio a dirigées ou accompagnées et de publications : Terre Natale, Ailleurs commence ici (2008) avec Raymond Depardon ; Marc Newson, Kelvin 40 (2004) ; Ce qui arrive (2002) ; Le désert (2000) ; 1 monde réel (1999) ; Azur (1993) ; La vitesse (1991) ; Vraiment faux (1988). De cette grande complicité sont nés des textes et des œuvres comme l’installation Exit (2008-2015), cartographie des flux migratoires avec les architectes et artistes Elizabeth Diller, Ricardo Scofidio + Renfro ou le film Unkown Quantity (2002) avec l’écrivaine Svetlana Alexievitch, réalisé par le cinéaste Andrei Ujica, dont un extrait ouvre cette soirée du 30 octobre 2023.
Philosophe, sociologue, urbaniste, théoricien de l’accélération du monde dans nos sociétés ultra technicisées, Paul Virilio (1932-2018) ne cessa de penser la vitesse et ses conséquences sur l’Homme, l’économie, l’environnement, la géopolitique. Pour Paul Virilio, l’exposition était une expérience visible de pensée, un art « révélationnaire ». Penseur du ressentir mouvant et émouvant, il s’est toujours attaché à faire face à ce qui nous dépasse.
Pour en témoigner, la table-ronde, animée par le journaliste Stéphane Paoli, réunit un plateau exceptionnel de neuf intervenants, dont la diversité fait écho à celle de la pensée de Paul Virilio. Les interventions sont ponctuées d’extraits d’essais lus par un étudiant de l’Ecole Spéciale d’Architecture. Sont abordés au cours de cet échange de plus de deux heures les grands thèmes chers à Paul Virilio, la trajectoire de sa pensée, la genèse de l’anthologie qui lui est consacrée, l’indéniable actualité de ses idées…
Les interventions se succèdent, des idées, des concepts, des analyses jaillissent au fur et à mesure du débat :
Hervé Chandès, Fondation Cartier, parlant de sa relation au philosophe :
– Ce que j’ai aimé avec Paul, c’est de pouvoir inventer une forme d’exposition qui part d’une question et dont le point d’appui est l’incertitude.
Maria Vlachou, éditrice au Seuil, expliquant la conception de l’anthologie Paul Virilio « la fin du monde est un concept sans avenir » :
– Nous avons organisé les essais en quatre parties chrono thématiques : on part du sol, on suit le mouvement,
l’accélération, on analyse l’accident, on abolit le temps, on définit le regard.
Eyal Weizmann, Forensic Architecture :
– Si l’architecture est un moyen d’exercer la violence, elle peut être aussi un moyen de résister à cette violence.
Stéphane Vélut, neurochirurgien :
– Lorsque Paul Virilio parle de communisme des affects, il fait appel à notre système limbique, le cerveau des émotions, de la réaction. Ce système est aujourd’hui totalement saturé. Nous sommes sous le coup d’émotions qui annihilent toute pensée.
Achille Stocchi, physicien :
– La pensée de Paul Virilio est profondément quantique. En physique quantique, on doit renoncer au déterminisme pour construire des théories sur l’incertitude, sur le fait qu’il n’est pas possible de connaitre deux variables simultanément. Notre perception dépend de l’échelle avec laquelle on regarde un objet.
Jean Nouvel, architecte (dans la salle) :
– A chaque fois que je fais un projet, je lis Virilio et je trouve toujours des idées qui me permettent de travailler. Et c’est toujours dans la jubilation.
Dans la salle, de nombreuses personnalités (scientifiques, artistes, anciens élèves de Paul Virilio, dromologues…)
parmi lesquelles l’astrophysicien Michel Cassé, le philosophe Roberto Casati, les architectes Marie-Agnès Blond et Stéphane Roux, la réalisatrice Claudine Nougaret, Marie-Hélène Comtal (ESA), Catherine Chevillot (Cité de l’Architecture), Florian Ebner directeur photo du Centre Pompidou, le photographe et réalisateur Raymond Depardon, l’architecte Jean Nouvel…
En conclusion, Maria Vlachou, Sophie Virilio et Hala Wardé lisent à trois voix un texte écrit en février 2001par le philosophe : L’autoroute de Damas.
les intervenants
Enki Bilal, auteur-dessinateur de bandes dessinées, peintre et réalisateur. Son univers explore le temps à travers des mondes « passé, présent, futur » avec toujours pour fil conducteur le thème de la mémoire.
Hervé Chandès, Directeur Général Artistique de la Fondation Cartier pour l’art contemporain,
Kitsou Dubois, chorégraphe et directrice de la compagnie Ki Productions. Après un premier séjour à la NASA puis une vingtaine de vols paraboliques avec le CNES, elle s’empare du « phénomène » de l’apesanteur pour construire une écriture chorégraphique singulière et explorer la poétique d’un milieu où tous les repères sont bouleversés.
Christian Joschke, professeur d’histoire de l’art aux Beaux-Arts de Paris et co-rédacteur en chef de la revue Transbordeur. Il a publié de nombreux textes sur l’histoire de la photographie et les rapports entre art et politique.
Stéphane Paoli, journaliste, une des grandes voix de France Inter, il est également le réalisateur du documentaire Paul Virilio, penser la vitesse pour la chaîne ARTE et auteur de plusieurs ouvrages dont Causa (Lattès, 2015) et Ce qui vient (Les Liens qui Libèrent, 2020).
Jean Richer, architecte, mène dans sa pratique, une recherche sur l’architecture traversée par l’écologie grise de l’urbaniste et philosophe Paul Virilio.
Achille Stocchi, physicien franco-italien. Professeur à l’Université Paris-Saclay, est directeur du Laboratoire de physique des deux infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab).
Stéphane Velut, neurochirurgien, professeur agrégé d’anatomie. Hormis ses travaux scientifiques il a publié deux romans et des essais dans la collection Tracts Gallimard.
Sophie Virilio, journaliste, photographe et romancière sous pseudonyme. Depuis 2016, à la demande de son père, Paul Virilio, elle œuvre à la diffusion de sa pensée, tant en France qu’à l’étranger, au travers la revue Dromologie mais aussi de rencontres, expositions et évènements auxquels elle collabore et apporte le soutien de son fonds privé.
Maria Vlachou, éditrice et directrice des droits étrangers aux Éditions du Seuil. Elle est titulaire d’un master en littérature à l’Université de la Sorbonne Nouvelle et d’une thèse de doctorat en archéologie à l’École Pratique des Hautes Études. Elle a collaboré notamment avec la RMN, l’EHESS et les PUF. Depuis 2021, elle préside la commission extraduction de sciences humaines au CNL.
Hala Wardé, architecte. Elle dirige l’agence HW Architecture et réalise des projets majeurs dont le Louvre Abu Dhabi ou la Tour Mirabeau à Marseille. Elle travaille également en étroite collaboration avec de nombreux artistes dont Etel Adnan, Giuseppe Penone ou Nan Goldin.
Eyal Weizman, fondateur et directeur de Forensic Architecture, professeur de cultures spatiales et visuelles à Goldsmiths, Université de Londres, où en 2005 il a fondé le Centre for Research Architecture. En 2007, il crée, avec Sandi Hilal et Alessandro Petti, le collectif d’architectes DAAR en Palestine. Il a écrit de nombreux ouvrages et a travaillé pour plusieurs universités du monde entier.
Lieu : Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, Boulevard Raspail, 75014 Paris – France
Heure : 19h
Durée prévue : 2h
